
La fiscalité représente un enjeu majeur pour toute entreprise, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activité. Face à un environnement réglementaire en constante évolution, les dirigeants doivent maîtriser les mécanismes fiscaux pour optimiser leur charge d’impôt tout en respectant le cadre légal. Une approche stratégique de la fiscalité constitue un levier de performance financière souvent sous-exploité. Les entreprises françaises font face à une pression fiscale significative qui nécessite une planification rigoureuse et anticipative. Ce guide pratique propose un panorama des stratégies fiscales les plus pertinentes à adopter dans le contexte économique actuel, en tenant compte des dernières réformes et des opportunités qu’elles génèrent.
Fondamentaux de l’Optimisation Fiscale Légale
L’optimisation fiscale se distingue fondamentalement de l’évasion fiscale et de la fraude. Cette distinction est primordiale pour toute entreprise souhaitant réduire sa charge fiscale sans s’exposer à des risques juridiques. L’optimisation fiscale consiste à utiliser les dispositifs légaux pour minimiser l’impôt, tandis que l’évasion et la fraude impliquent des pratiques illégales ou à la limite de la légalité.
Le droit fiscal français offre de nombreuses possibilités d’optimisation parfaitement légales. Ces opportunités s’inscrivent dans ce que la jurisprudence et la doctrine administrative reconnaissent comme la liberté de gestion des entreprises. Cette notion fondamentale permet aux sociétés de structurer leurs opérations de la manière fiscalement la plus avantageuse, à condition que ces choix correspondent à une réalité économique et ne soient pas motivés uniquement par des considérations fiscales.
La mise en place d’une stratégie d’optimisation fiscale efficace nécessite une connaissance approfondie des mécanismes d’imposition applicables. L’impôt sur les sociétés (IS) constitue généralement la charge fiscale la plus significative pour les entreprises, avec un taux nominal de 25% depuis 2022. Toutefois, ce taux peut varier en fonction de la taille de l’entreprise et de son chiffre d’affaires. Les PME peuvent notamment bénéficier d’un taux réduit de 15% sur une fraction de leurs bénéfices.
Principes directeurs d’une optimisation fiscale réussie
- Respect strict du cadre légal et réglementaire
- Anticipation des conséquences fiscales des décisions stratégiques
- Documentation rigoureuse des opérations réalisées
- Veille fiscale permanente
La Cour de cassation et le Conseil d’État ont progressivement défini les contours de l’optimisation fiscale légitime à travers leur jurisprudence. Le principe de l’abus de droit, codifié à l’article L.64 du Livre des Procédures Fiscales, constitue la principale limite à ne pas franchir. Il sanctionne les montages dont le motif exclusivement fiscal vise à contourner l’esprit de la loi.
Une approche pragmatique consiste à intégrer la dimension fiscale dès la conception des projets d’entreprise. Cette démarche proactive permet d’identifier les options fiscalement avantageuses sans compromettre les objectifs opérationnels. Par exemple, le choix entre l’acquisition et la location d’un bien immobilier professionnel peut être influencé par des considérations fiscales, mais doit d’abord répondre à des impératifs économiques.
La sécurisation fiscale constitue également un aspect fondamental de toute stratégie d’optimisation. Les entreprises peuvent utiliser des procédures comme le rescrit fiscal pour obtenir une position formelle de l’administration fiscale sur un montage envisagé. Cette approche préventive limite considérablement les risques de redressement ultérieur.
Choix Stratégiques de la Structure Juridique et Fiscale
Le choix de la forme juridique d’une entreprise représente une décision stratégique avec des implications fiscales majeures. Chaque structure présente ses propres caractéristiques en matière d’imposition, tant pour la société que pour ses dirigeants et associés.
Les entreprises individuelles et les sociétés de personnes (SNC, SCS, sociétés civiles) sont soumises au régime de la transparence fiscale. Les bénéfices sont imposés directement entre les mains des associés à l’impôt sur le revenu (IR), selon leur quote-part et leur tranche marginale d’imposition. Cette configuration peut s’avérer avantageuse pour les structures générant des déficits, car ceux-ci sont immédiatement imputables sur le revenu global des associés, sous certaines conditions.
À l’inverse, les sociétés de capitaux (SA, SAS, SARL) sont assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS). Ce régime permet une séparation nette entre la fiscalité de l’entreprise et celle des associés. Les bénéfices sont d’abord taxés au niveau de la société, puis une seconde imposition intervient lors de la distribution de dividendes. Cette double imposition peut sembler pénalisante, mais elle offre des avantages significatifs en termes de planification fiscale.
Options fiscales stratégiques
Certaines structures bénéficient d’une flexibilité particulière. La SARL de famille peut opter pour l’IR, combinant ainsi les avantages de la responsabilité limitée avec ceux de la transparence fiscale. De même, les SAS et SARL constituées depuis moins de cinq ans peuvent temporairement choisir l’imposition à l’IR.
La création d’un groupe fiscal intégré constitue une stratégie particulièrement efficace pour les entreprises disposant de plusieurs entités. Ce régime, prévu par les articles 223 A à 223 U du Code Général des Impôts, permet de consolider fiscalement les résultats des sociétés membres du groupe. Les principaux avantages incluent la compensation immédiate des profits et des pertes entre les différentes entités et la neutralisation des opérations intragroupe.
- Économie d’impôt par compensation des résultats déficitaires et bénéficiaires
- Neutralisation fiscale des cessions d’actifs au sein du groupe
- Simplification administrative pour les déclarations fiscales
La holding représente une autre structure stratégique en matière d’optimisation fiscale. Elle permet notamment de bénéficier du régime mère-fille, qui exonère à 95% les dividendes reçus des filiales, limitant ainsi substantiellement la double imposition économique. Par ailleurs, les holdings animatrices, qui participent activement à la conduite de la politique de leurs filiales, peuvent bénéficier de nombreux avantages fiscaux, notamment en matière de transmission d’entreprise.
Le choix de l’implantation géographique constitue également un levier d’optimisation. Les zones franches urbaines (ZFU), les bassins d’emploi à redynamiser (BER) ou les zones de revitalisation rurale (ZRR) offrent des exonérations temporaires d’impôt sur les bénéfices et de taxes locales. Ces dispositifs, encadrés par les articles 44 octies et suivants du Code Général des Impôts, visent à favoriser le développement économique de territoires spécifiques.
La dimension internationale ne doit pas être négligée, même pour les PME. L’implantation d’une filiale ou d’un établissement à l’étranger peut générer des opportunités fiscales, sous réserve du respect des conventions fiscales bilatérales et des règles anti-abus comme celles issues du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE.
Mécanismes d’Incitation Fiscale et Crédits d’Impôt
Le système fiscal français comporte de nombreux dispositifs incitatifs visant à encourager certains comportements ou investissements des entreprises. Ces mécanismes constituent des leviers d’optimisation fiscale particulièrement efficaces lorsqu’ils sont intégrés dans une stratégie globale.
Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) représente l’un des dispositifs phares en matière de soutien à l’innovation. Codifié à l’article 244 quater B du Code Général des Impôts, il permet aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt correspondant à 30% des dépenses de recherche et développement pour la fraction inférieure à 100 millions d’euros, et 5% au-delà. Ce mécanisme s’applique à un large éventail de dépenses, incluant les frais de personnel, l’amortissement des équipements de recherche, les dépenses de veille technologique ou encore les frais de brevets.
Complémentaire au CIR, le Crédit d’Impôt Innovation (CII) s’adresse spécifiquement aux PME et couvre les dépenses liées à la conception de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits. Le taux s’élève à 20% des dépenses éligibles, dans la limite de 400 000 euros par an.
Incitations sectorielles et territoriales
Plusieurs dispositifs ciblent des secteurs économiques spécifiques. Le Crédit d’Impôt Métiers d’Art (CIMA) soutient les entreprises relevant des métiers d’art, tandis que le Crédit d’Impôt Jeux Vidéo (CIJV) bénéficie aux développeurs de jeux vidéo. Dans le domaine environnemental, le suramortissement écologique permet de déduire fiscalement 40% du prix de revient de certains investissements vertueux.
Les zones d’aides à finalité régionale (AFR) offrent des avantages fiscaux substantiels pour les entreprises qui s’y implantent ou s’y développent. Ces aides peuvent prendre la forme d’exonérations temporaires d’impôt sur les sociétés ou de contribution économique territoriale (CET). La Corse et les départements d’outre-mer bénéficient également de régimes fiscaux privilégiés, avec notamment des taux réduits d’IS et des crédits d’impôt spécifiques pour les investissements productifs.
- Exonération temporaire d’impôt sur les bénéfices
- Réduction des taxes locales (CFE, CVAE)
- Avantages en matière d’amortissement des immobilisations
Le mécénat d’entreprise constitue un autre levier d’optimisation fiscale, tout en contribuant à l’engagement sociétal de l’entreprise. L’article 238 bis du Code Général des Impôts prévoit une réduction d’impôt égale à 60% du montant des dons, dans la limite de 20 000 euros ou 0,5% du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé.
Les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) et les Jeunes Entreprises Universitaires (JEU) bénéficient d’un régime fiscal particulièrement avantageux. Ces statuts, accessibles sous conditions spécifiques liées notamment aux dépenses de R&D et à l’âge de l’entreprise, permettent de bénéficier d’une exonération totale d’IS pendant le premier exercice bénéficiaire, puis d’une exonération de 50% au titre de l’exercice suivant. Ces dispositifs incluent également des exonérations de cotisations sociales patronales pour les personnels participant aux activités de recherche.
Pour optimiser l’utilisation de ces mécanismes, les entreprises doivent mettre en place un système rigoureux de documentation et de suivi des dépenses éligibles. La constitution de dossiers techniques solides est primordiale, particulièrement pour le CIR qui fait l’objet d’un contrôle attentif de l’administration fiscale. Le recours à des cabinets spécialisés peut sécuriser la démarche et maximiser les avantages fiscaux obtenus.
Gestion Fiscale des Actifs et Investissements
La gestion fiscale des actifs d’entreprise constitue un axe majeur d’optimisation. Les choix relatifs au financement, à l’acquisition et à la cession des immobilisations ont des répercussions significatives sur la charge fiscale globale.
En matière d’amortissement, plusieurs options permettent d’optimiser la déduction fiscale. L’amortissement dégressif, applicable aux biens d’équipement, offre une déduction accélérée des charges par rapport à l’amortissement linéaire. Ce mécanisme, prévu par l’article 39 A du Code Général des Impôts, permet de déduire fiscalement jusqu’à 35% de la valeur du bien dès la première année pour certains équipements avec une durée d’utilisation de trois ans.
Le choix entre acquisition et location des actifs représente une décision stratégique avec des implications fiscales distinctes. L’acquisition permet de constater des charges d’amortissement et de déduire les intérêts d’emprunt éventuels, tandis que la location génère des charges intégralement déductibles. Pour les véhicules de société, les limitations de déductibilité des amortissements (plafond de 18 300€ pour les véhicules émettant moins de 20g de CO2/km, dégressif jusqu’à 9 900€ pour les plus polluants) peuvent rendre la location longue durée fiscalement plus avantageuse.
Optimisation par le financement des actifs
Le crédit-bail ou leasing constitue une solution intermédiaire particulièrement intéressante sur le plan fiscal. Les redevances sont intégralement déductibles, et l’option d’achat en fin de contrat offre une flexibilité supplémentaire. Pour les biens immobiliers, le crédit-bail permet d’étaler la charge fiscale liée à l’acquisition sur une longue période.
La cession-bail (sale and lease back) représente une technique d’ingénierie financière et fiscale sophistiquée. Elle consiste pour une entreprise à vendre un actif à une société de crédit-bail pour le lui reprendre immédiatement en location. Cette opération permet de dégager des liquidités tout en conservant l’usage du bien. Sur le plan fiscal, la plus-value de cession peut être étalée sur la durée du contrat de crédit-bail si les conditions prévues par l’article 39 novodecies du Code Général des Impôts sont remplies.
- Dégagement immédiat de trésorerie
- Étalement de l’imposition de la plus-value
- Déductibilité des loyers versés
La gestion des brevets et droits de propriété intellectuelle offre également des opportunités d’optimisation fiscale. Le régime des plus-values à long terme permet de taxer à un taux réduit de 10% les produits de cession et de concession de brevets, sous réserve du respect des conditions posées par l’article 238 du Code Général des Impôts. Ce dispositif a été remanié suite à l’adoption de l’approche du lien (nexus approach) préconisée par l’OCDE dans le cadre du projet BEPS.
Les investissements immobiliers bénéficient de régimes fiscaux spécifiques. L’acquisition d’immeubles situés dans certaines zones prioritaires peut ouvrir droit à des déductions exceptionnelles. Par exemple, l’article 217 undecies du Code Général des Impôts permet aux entreprises soumises à l’IS de déduire de leur résultat imposable le montant des investissements productifs réalisés dans les départements d’outre-mer.
Pour les investissements financiers, la participation dans d’autres sociétés peut bénéficier du régime des sociétés mères et filiales lorsque la participation atteint au moins 5% du capital. Ce mécanisme permet d’exonérer à hauteur de 95% les dividendes perçus, évitant ainsi une double imposition économique.
La gestion fiscale des actifs implique également une réflexion sur le timing des opérations. L’anticipation ou le report de certaines acquisitions ou cessions peut permettre d’équilibrer le résultat fiscal d’une année sur l’autre. Cette approche dynamique de la gestion fiscale nécessite une vision prospective des résultats de l’entreprise et une planification minutieuse des investissements.
Planification Fiscale et Transmission d’Entreprise
La transmission d’entreprise représente une étape cruciale dans la vie d’une société, avec des enjeux fiscaux considérables tant pour le cédant que pour le repreneur. Une préparation minutieuse, idéalement initiée plusieurs années avant l’opération, permet d’optimiser significativement le coût fiscal global.
Pour le dirigeant-cédant, plusieurs dispositifs d’exonération ou d’abattement peuvent s’appliquer aux plus-values de cession. Le régime des plus-values professionnelles prévu à l’article 151 septies du Code Général des Impôts permet une exonération totale ou partielle sous conditions de chiffre d’affaires et de durée d’activité. De même, l’article 151 septies A offre une exonération spécifique pour les cessions réalisées dans le cadre d’un départ à la retraite.
Le Pacte Dutreil, codifié à l’article 787 B du Code Général des Impôts, constitue un outil puissant pour la transmission familiale d’entreprise. Ce dispositif permet de bénéficier d’une exonération de 75% de la valeur des titres transmis par donation ou succession, sous réserve d’un engagement collectif de conservation des titres pendant au moins deux ans, suivi d’un engagement individuel de quatre ans, et de la poursuite d’une fonction de direction pendant trois ans par l’un des bénéficiaires.
Structuration optimale des opérations de transmission
La donation avant cession représente une stratégie efficace pour réduire la charge fiscale globale. Elle consiste à donner les titres de la société à ses enfants avant de procéder à la vente, permettant ainsi de purger la plus-value latente et de bénéficier des abattements en matière de droits de donation (100 000 € par parent et par enfant, renouvelables tous les 15 ans).
Le recours à une holding peut optimiser fiscalement la transmission. La technique de l’apport-cession permet au dirigeant d’apporter ses titres à une holding qu’il contrôle, puis de céder ces titres à un tiers. Sous certaines conditions, le report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts s’applique, permettant de différer l’imposition de la plus-value jusqu’à la cession ultérieure des titres de la holding.
- Report d’imposition de la plus-value
- Réinvestissement possible dans de nouvelles activités
- Organisation patrimoniale optimisée
La donation-partage transgénérationnelle, instituée par la loi du 23 juin 2006, permet d’associer des petits-enfants à une transmission, avec l’accord des enfants. Cette technique peut s’avérer particulièrement pertinente dans le cadre d’une transmission d’entreprise, en permettant d’impliquer directement la génération qui sera effectivement active dans la société.
Pour le repreneur, le financement de l’acquisition peut être structuré de manière à optimiser sa situation fiscale. Le schéma du LBO (Leveraged Buy Out) permet d’acquérir une société en utilisant principalement de la dette, dont les intérêts viendront s’imputer sur les bénéfices futurs de l’entreprise cible. Ce montage, encadré par l’article 209 IX du Code Général des Impôts, doit respecter certaines limites en matière de déductibilité des charges financières.
La reprise d’entreprise par les salariés bénéficie de dispositifs fiscaux favorables. Le crédit d’impôt pour rachat d’entreprise par les salariés permet à la société rachetée de déduire de son résultat imposable les intérêts d’emprunts contractés par les salariés pour financer le rachat.
La planification de la transmission doit intégrer une réflexion sur la valeur de l’entreprise. Les méthodes d’évaluation retenues peuvent avoir un impact significatif sur l’assiette taxable. Une approche multicritères, combinant valeur patrimoniale, rentabilité et comparaison sectorielle, permet généralement d’aboutir à une valorisation défendable face à l’administration fiscale.
Enfin, la sécurisation juridique et fiscale de l’opération peut passer par le recours au rescrit valeur, qui permet d’obtenir l’accord préalable de l’administration sur la valeur retenue pour les droits d’enregistrement. Cette démarche préventive limite considérablement les risques de contestation ultérieure.
Perspectives et Adaptations Stratégiques Face aux Évolutions Fiscales
Le paysage fiscal connaît des mutations profondes sous l’influence de facteurs nationaux et internationaux. Les entreprises doivent anticiper ces évolutions pour adapter leur stratégie d’optimisation fiscale et maintenir leur compétitivité.
La fiscalité environnementale prend une place croissante dans le système fiscal français et européen. La taxe carbone, les mécanismes d’ajustement aux frontières et diverses incitations fiscales en faveur de la transition écologique redessinent progressivement les arbitrages économiques des entreprises. Cette tendance de fond, conforme aux engagements climatiques de la France, va probablement s’intensifier dans les années à venir.
Les entreprises ont tout intérêt à intégrer cette dimension dans leur stratégie fiscale, en identifiant les opportunités liées aux investissements verts. Le verdissement de la fiscalité se traduit par des avantages significatifs pour les acteurs qui s’engagent dans la transition environnementale : suramortissements pour les véhicules propres, crédits d’impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments professionnels, ou encore taux réduits pour certaines activités vertueuses.
Harmonisation fiscale internationale et lutte contre l’évasion
Le projet BEPS de l’OCDE et le pilier 2 instaurant un taux minimum d’imposition de 15% pour les grandes entreprises multinationales marquent une avancée significative vers l’harmonisation fiscale internationale. Ces initiatives visent à limiter les stratégies d’optimisation agressive et à garantir que les bénéfices sont taxés là où la valeur est effectivement créée.
Les prix de transfert font l’objet d’une attention particulière des administrations fiscales. Les entreprises opérant à l’international doivent documenter rigoureusement leurs politiques de prix intragroupe pour démontrer leur conformité au principe de pleine concurrence. La préparation d’une documentation solide, comprenant un master file et des local files, devient incontournable, même pour des ETI de taille moyenne.
- Renforcement des obligations documentaires
- Accroissement des échanges automatiques d’informations entre pays
- Développement de l’approche substance over form
La digitalisation de l’économie pose des défis spécifiques en matière de fiscalité. Les règles traditionnelles, fondées sur la présence physique, s’adaptent progressivement à la réalité des modèles d’affaires numériques. La notion d’établissement stable virtuel et les taxes spécifiques sur les services numériques (comme la taxe GAFA française) préfigurent une refonte plus profonde de la fiscalité internationale.
Face à ces évolutions, les entreprises doivent adopter une approche proactive de la conformité fiscale. Le concept de tax control framework (cadre de contrôle fiscal) promut par l’OCDE encourage les entreprises à mettre en place des processus internes garantissant le respect des obligations fiscales. Cette démarche peut s’inscrire dans une relation de confiance avec l’administration fiscale, à travers des dispositifs comme le partenariat fiscal.
La transformation numérique de l’administration fiscale renforce ses capacités de contrôle. Le data mining et l’intelligence artificielle permettent désormais de détecter plus efficacement les anomalies et les incohérences dans les déclarations fiscales. Les entreprises doivent intégrer cette réalité dans leur gestion fiscale et s’assurer de la cohérence de leurs données fiscales, comptables et opérationnelles.
L’éthique fiscale devient un enjeu de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Au-delà de la stricte conformité légale, les parties prenantes (investisseurs, consommateurs, salariés) attendent désormais des entreprises qu’elles contribuent équitablement aux finances publiques. La publication d’informations sur la stratégie fiscale et la charge d’impôt effective par pays (country-by-country reporting) s’inscrit dans cette tendance à la transparence accrue.
Dans ce contexte mouvant, les entreprises gagnent à développer une agilité fiscale. Cette approche implique une veille réglementaire permanente, une capacité d’adaptation rapide aux nouvelles règles et une intégration de la dimension fiscale dans les processus décisionnels. Les outils de simulation fiscale et les technologies de tax compliance automation peuvent faciliter cette adaptation continue.
Vers une Stratégie Fiscale Intégrée et Pérenne
L’élaboration d’une stratégie fiscale efficace nécessite une approche holistique, intégrant les dimensions juridiques, financières et opérationnelles de l’entreprise. Loin d’être une simple technique de réduction d’impôts, l’optimisation fiscale constitue un levier de performance globale qui doit s’inscrire dans une vision à long terme.
La gouvernance fiscale représente un enjeu majeur pour les entreprises de toutes tailles. Elle implique une définition claire des responsabilités en matière fiscale, une formalisation des processus décisionnels et une intégration de la fonction fiscale dans la stratégie d’entreprise. Pour les groupes, la centralisation de l’expertise fiscale permet généralement une meilleure cohérence des pratiques et une optimisation plus efficace.
La mise en place d’une cartographie des risques fiscaux constitue une démarche préventive recommandée. Cette analyse systématique permet d’identifier les zones de vulnérabilité et d’élaborer des plans d’action adaptés. Les risques peuvent être liés à l’interprétation des textes, à la documentation insuffisante des opérations, ou encore aux évolutions législatives susceptibles de remettre en cause certains schémas d’optimisation.
Formation et sensibilisation des acteurs clés
La dimension fiscale doit être intégrée dans les compétences des dirigeants et des managers opérationnels. Sans faire de chacun un expert fiscal, une sensibilisation aux enjeux et aux principes fondamentaux de la fiscalité permet d’éviter des erreurs coûteuses et d’identifier en amont les opportunités d’optimisation.
La collaboration entre les différentes fonctions de l’entreprise (finance, juridique, opérations, R&D) s’avère déterminante pour une gestion fiscale optimale. Par exemple, l’implication précoce de la fonction fiscale dans les projets d’innovation permet de maximiser les avantages liés au Crédit d’Impôt Recherche, tandis que son association aux décisions d’investissement facilite l’identification des dispositifs incitatifs applicables.
- Formation continue des équipes aux évolutions fiscales
- Intégration systématique du volet fiscal dans les projets stratégiques
- Développement d’une culture de conformité fiscale proactive
L’externalisation partielle ou totale de la fonction fiscale constitue une option à considérer, particulièrement pour les PME qui ne disposent pas des ressources nécessaires en interne. Le recours à des cabinets d’avocats fiscalistes ou à des consultants spécialisés permet d’accéder à une expertise pointue et actualisée. Toutefois, cette délégation ne doit pas conduire à un désengagement total de l’entreprise sur les questions fiscales, qui restent stratégiques.
La documentation des positions fiscales prises par l’entreprise revêt une importance capitale. Face à l’administration fiscale, la charge de la preuve incombe généralement au contribuable. La constitution de dossiers techniques solides, notamment pour les opérations complexes ou les régimes fiscaux de faveur, permet de sécuriser les avantages fiscaux revendiqués.
L’approche préventive du contrôle fiscal gagne à être privilégiée. Les procédures de rescrit et de ruling permettent d’obtenir une position formelle de l’administration sur un schéma envisagé. De même, les accords préalables en matière de prix de transfert (APP) sécurisent la politique de prix intragroupe sur plusieurs années.
L’intelligence économique appliquée à la fiscalité constitue un atout compétitif. Une veille active sur les pratiques sectorielles, les positions administratives et la jurisprudence permet d’identifier les opportunités d’optimisation et d’anticiper les risques. Les associations professionnelles et les réseaux d’entreprises facilitent ce partage d’expériences et de bonnes pratiques.
Enfin, l’intégration de la stratégie fiscale dans la communication financière de l’entreprise mérite une attention particulière. La transparence sur le taux effectif d’imposition et les principes qui guident la politique fiscale peut constituer un signal positif pour les investisseurs et les autres parties prenantes, dans un contexte où l’éthique fiscale devient un critère d’évaluation des entreprises.