
L’année 2025 marque un tournant décisif dans l’évolution du droit de la consommation en France. Face aux défis numériques grandissants et aux préoccupations environnementales, le législateur français a entrepris une refonte substantielle du cadre juridique protégeant les consommateurs. Ces modifications législatives, dont certaines entrent en vigueur dès janvier 2025, visent à renforcer les droits des consommateurs tout en responsabilisant davantage les professionnels.
Renforcement des protections numériques pour les consommateurs
La digitalisation croissante des échanges commerciaux a conduit le législateur à adapter le cadre juridique aux réalités contemporaines. La loi n°2024-873 du 15 novembre 2024 relative à la protection des données des consommateurs dans l’environnement numérique constitue l’une des innovations majeures de 2025. Ce texte instaure un droit à l’oubli renforcé permettant aux consommateurs d’exiger la suppression intégrale de leurs données personnelles des bases commerciales dans un délai de 48 heures, contre 30 jours auparavant.
Par ailleurs, le décret d’application n°2024-1253 précise les modalités d’information précontractuelle pour les achats en ligne. Les plateformes de e-commerce devront désormais afficher de manière claire et non équivoque l’ensemble des frais additionnels potentiels (livraison, éco-participation, etc.) dès la première page de présentation du produit, et non plus uniquement lors de la finalisation de l’achat. Cette mesure vise à lutter contre les pratiques de « drip pricing » où des suppléments apparaissent progressivement au cours du processus d’achat.
La directive européenne 2024/18/UE, transposée en droit français par l’ordonnance du 12 décembre 2024, introduit également une protection spécifique contre les avis en ligne frauduleux. Les plateformes devront vérifier que les personnes publiant des avis ont effectivement acheté ou utilisé le produit ou service concerné, sous peine d’une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel.
Évolutions majeures en matière de garanties et de durabilité des produits
L’obsolescence programmée fait l’objet d’un traitement juridique renforcé avec la loi n°2024-1102 du 3 septembre 2024 relative à la durabilité des produits de consommation. Cette loi étend la garantie légale de conformité à 3 ans pour les appareils électroniques et électroménagers, contre 2 ans précédemment. Une innovation notable réside dans l’instauration d’un indice de réparabilité étendu qui devra obligatoirement figurer sur 37 catégories de produits supplémentaires dès mars 2025.
Le législateur a également introduit une nouvelle notion juridique avec le « droit à la réparation économiquement raisonnable ». Selon ce principe, les fabricants seront tenus de proposer des pièces détachées à un prix ne pouvant excéder 30% du prix d’un produit neuf équivalent. Cette mesure vise à rendre la réparation financièrement plus attractive que le remplacement. Si vous rencontrez des difficultés pour faire valoir ce droit, consultez un professionnel du droit de la consommation qui pourra vous accompagner dans vos démarches.
La garantie légale connaît également une extension de son champ d’application avec l’intégration des logiciels et contenus numériques embarqués dans les produits. Ainsi, un dysfonctionnement logiciel survenant dans les 36 mois suivant l’achat d’un appareil connecté pourra justifier la mise en œuvre de la garantie, même en l’absence de défaut matériel. Cette avancée juridique reconnaît la place centrale qu’occupent désormais les composantes numériques dans la valeur et l’utilité des produits de consommation.
Nouvelles obligations environnementales dans les relations de consommation
Le décret n°2024-1587 du 18 décembre 2024 relatif à l’information environnementale des produits de consommation courante impose aux professionnels de nouvelles obligations d’information. Dès juillet 2025, l’affichage environnemental deviendra obligatoire pour les produits alimentaires, textiles et électroniques. Cet affichage devra mentionner l’empreinte carbone du produit, sa consommation en eau, ainsi que son impact sur la biodiversité selon une méthodologie harmonisée au niveau européen.
La loi n°2024-987 du 5 août 2024 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire renforce considérablement les sanctions contre l’écoblanchiment (ou greenwashing). Les allégations environnementales trompeuses pourront désormais être sanctionnées par une amende pouvant atteindre 5% du chiffre d’affaires annuel moyen des trois derniers exercices, contre un plafond fixe de 300 000 euros auparavant. Cette évolution témoigne de la volonté du législateur d’adapter les sanctions à la taille des entreprises pour garantir leur caractère dissuasif.
Le droit à la réparation se voit également renforcé par l’obligation faite aux fabricants de mettre à disposition des réparateurs indépendants l’ensemble des schémas techniques et manuels de réparation de leurs produits. Cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2025, vise à briser les monopoles de fait sur la réparation et à diminuer le coût des interventions pour les consommateurs.
Protection renforcée des consommateurs vulnérables
La vulnérabilité économique fait l’objet d’une attention particulière dans les évolutions législatives de 2025. La loi n°2025-14 du 8 janvier 2025 relative à la protection des consommateurs en situation de fragilité économique introduit un droit de rétractation étendu à 21 jours (contre 14 jours actuellement) pour les consommateurs dont les revenus sont inférieurs au SMIC ou bénéficiant de minima sociaux.
Cette même loi instaure également un plafonnement obligatoire des frais bancaires pour les populations économiquement fragiles. Les établissements bancaires devront proposer une offre spécifique dont les frais d’incidents ne pourront excéder 20 euros par mois et 200 euros par an. Le non-respect de cette obligation pourra être sanctionné par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) par une amende pouvant atteindre 100 000 euros par client concerné.
Les personnes âgées bénéficient également d’une protection renforcée avec le décret n°2025-87 du 15 janvier 2025 qui impose aux démarcheurs à domicile un délai de réflexion obligatoire de 15 jours pour tout contrat conclu avec une personne de plus de 70 ans, lorsque le montant de l’engagement dépasse 200 euros. Durant cette période, aucun paiement ne pourra être exigé, même à titre d’acompte.
Nouvelles procédures de règlement des litiges de consommation
L’accès à la justice pour les consommateurs connaît une évolution substantielle avec la loi n°2024-1325 du 7 décembre 2024 relative au règlement des litiges de consommation. Cette loi généralise la médiation préalable obligatoire pour tous les litiges de consommation d’une valeur inférieure à 5 000 euros. Cette médiation devra être gratuite pour le consommateur, les coûts étant intégralement supportés par le professionnel.
L’action de groupe connaît également un renforcement significatif avec l’adoption de la directive européenne 2024/42/UE relative aux actions représentatives, transposée en droit français par l’ordonnance du 28 novembre 2024. Cette nouvelle législation élargit le champ des préjudices pouvant faire l’objet d’une action de groupe en incluant désormais les préjudices moraux et les troubles de jouissance, jusqu’alors exclus du dispositif.
Par ailleurs, la procédure de règlement en ligne des litiges (ODR – Online Dispute Resolution) devient obligatoire pour les plateformes réalisant plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel en France. Ces plateformes devront proposer un système de résolution des litiges entièrement dématérialisé, capable de traiter les réclamations dans un délai maximum de 7 jours ouvrés, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour de retard et par litige non traité.
Évolutions concernant le crédit à la consommation
Le crédit à la consommation fait l’objet d’un encadrement renforcé avec la loi n°2024-1498 du 22 novembre 2024. Ce texte introduit un plafonnement du taux d’intérêt pour les crédits renouvelables à 12% (contre un taux d’usure variable auparavant), indépendamment de l’évolution des taux directeurs. Cette mesure vise à limiter le surendettement des ménages en rendant moins attractifs les crédits à la consommation les plus coûteux.
Le délai de rétractation pour les crédits affectés (destinés à financer l’achat d’un bien ou service spécifique) passe de 14 à 21 jours, offrant ainsi au consommateur un temps de réflexion supplémentaire. Durant cette période, le prêteur ne pourra exiger aucun paiement, même à titre de dépôt de garantie.
Une innovation majeure réside dans l’obligation faite aux établissements de crédit de mettre en place un système d’alerte préventive du surendettement. Ce système devra détecter les comportements d’utilisation du crédit potentiellement problématiques (multiples tirages sur crédit renouvelable, utilisation systématique du découvert bancaire, etc.) et proposer au consommateur un entretien avec un conseiller financier avant que sa situation ne se dégrade irrémédiablement.
En conclusion, les évolutions législatives de 2025 en matière de droit de la consommation témoignent d’une volonté claire de renforcer la protection des consommateurs face aux défis contemporains : numérisation des échanges, enjeux environnementaux, précarité économique. Ces nouvelles dispositions, qui s’inscrivent dans une tendance européenne plus large, imposent aux professionnels des obligations accrues tout en donnant aux consommateurs des moyens d’action plus efficaces pour faire valoir leurs droits.